Témoignages de Cito et Cikuru
Deux jeunes jumeaux de 23 ans, Cito et Cikuru, témoignent. Ces jumeaux ont l'habitude de partager leur histoire avec beaucoup d'autres jeunes de leur communauté, parce qu'ils estiment qu'elle est un peu particulière par rapport au cours normal de la vie d'un enfant qui vit dans une société stable.
1. Une jeunesse volée
En fuyant la guerre, ces deux jeunes enfants à l'époque ont été pris en otage par les Rebelles en court de route. La vie menée dans la brousse a été infernale. Ces petits « Kadogo » comme on les surnomme dans le contexte de guerres ont été forcé à travailler pour le compte de leurs bourreaux pendants longtemps : faire la lessive, préparer la nourriture et voler des bétails mais pire encore commettre des crimes graves comme ils en témoignent aujourd'hui :
« Nous étions forcés de prendre de la drogue ; on nous droguait chaque jour pour nous pousser à commettre certains actes ignobles dans la communauté : aller voler, de même que violer les femmes qu'ils prenaient en otage et qui, de fois, étaient plus âgées que nous. Plusieurs femmes pleuraient et ne souhaitaient pas être violées mais nous étions forcés à le faire et nous n'avions pas de choix malgré le regret qu'on pouvait ressentir chaque jour qui passait. Cela nous donnait de la peine, une souffrance qui n'a pas de nom parce que nous avions avant reçu une éducation chrétienne de nos parents. »
«Dieu a exhaussé ma prière, un jour nous sommes allés piller dans le village de Kambegeti, l'armée nationale FARDC nous a attrapé. Pour nous c'était un salut, d'être pris en otage, 3 filles et 3 garçons. Nous avions par la suite expliqué aux éléments de l'armée régulière comment les rebelles Mayï Mayï nous avaient pris en otage. Les FARDC nous ont conscientisé et nous ont amené dans un Centre d'accompagnement et de réinsertion où nous avions fait plusieurs séances de détraumatisation qui nous ont permises de réintégrer la communauté.
Ensuite, nous avons été reçus dans des centres pour apprendre la peinture, percussion et théâtre. Cette vie au Centre nous a fait oublier les atrocités, les violences de tout genre vécues dans la forêt. Nous étions plus dans la peinture et le bricolage. Une organisation non gouvernementale nous utilisait pour aider dans la sensibilisation des jeunes qui avaient connu la même chose que nous à reprendre une vie normale d'un enfant. La vie de la gâchette nous a volés notre enfance ce qui est vrai et nous n'en sommes pas fiers. C'est grâce à ces activités de sensibilisation communautaire que nous avons finalement retrouvé notre mère ; parce que nous sommes retournés ici dans la ville de Bukavu où elle vivait. Maman n'avait plus d'espoir de nous revoir un jour. Jusqu'à ce jour nous restons très attachés à elle pour lui témoigner de l'affection et en recevoir d'elle.
J'aime dessiner les femmes, les bébés. J'ai la joie en dessinant et je me sens détraumatisé. Ma vision est de faire connaître mes œuvres et de gagner ma vie à travers mon travail mais aussi approfondir mes connaissances dans la discipline de l'Art si la vie m'offre des opportunités. Vous savez, je ne suis pas complètement déçu par mon passé. Je sens plutôt que je suis heureux actuellement car j'ai rencontré beaucoup de monde qui ont changé ma vie. Je suis comme en Joseph de la Bible ; que toutes les femmes qui ont perdu l'espoir pendant la guerre, changent positivement leur vision et s'engagent pour un nouveau départ. Je n'aime plus penser au passé traumatisant.
A la Fondation Etoile, nous avons appris à prendre soins des autres enfants en difficulté en les encadrant en dessin, bricolage décoration...Je connais tellement la souffrance qui est la leur surtout ceux qui ont perdu leurs parents, ceux qui vivent dans des familles d'accueil ici en ville. C'est pourquoi le bénévolat que nous faisons jusque-là, c'est pour essayer de leur apporter l'espoir, l'amour dont ils ont besoin pour, non seulement vivre, mais aussi et surtout avancer. Grace à ces petits métiers nous avons réussi à nous prendre en charge dans notre vie. Aujourd'hui ma mère, Nyabadeux comme on l'appelle pour dire porteuse des jumeaux, peut être fière de nous. Si je trouve un peu d'argent grâce aux tableaux que je peins et, elle se sent très heureuse, parce qu'elle peut aussi manger. Nous avons fini nos études secondaires grâce à ces petits métiers et nous en remercions infiniment Dieu pour ça. Mais nous ne pouvons pas nous payer les frais pour les études supérieures, malheureusement malgré nos ambitions de savoir un peu plus. Mais Dieu seul sait que nous réserve l'avenir car on ne perd pas espoir. L'essentiel c'est de continuer à nous battre pour réussir et en portant une aide aux autres jeunes...Nous participons aux différentes expositions avec nos jeunes et ça fait plaisir. Pour le moment nous encadrons les petits enfants dont l'âge varie entre 9 et 16 ans pour les amener à aimer l'art, ils peuvent aussi un jour se prendre en charge en devenant des artistes...nous espérons faire mieux pour eux avec l'aide de Dieu et des personnes de bonne foi»
Cikuru, en pleine exposition au festival de Bukavu pour le compte de la Fondation Etoile
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